Je tombe de haut.
Les hauteurs, la chute, le divin, les mirages. Je veux cette phrase en épitaphe, je la veux sur ma tombe, histoire que ma mort fasse sourire les passants. Je voudrais aussi, pendant que j’y suis, je voudrais aussi que ma tombe ait la forme d’un comptoir zinc. Qu’on vienne s’accouder sur moi pour bavarder, me dire. Après tout, je serai muette, muette comme une tombe.
Ma génération, elle est bavarde. Ma génération, je la déteste. Aucun gout de l’extrême. Pas de Jeanne d’Arc, pas de Mata Hari. Que des banales. « Et pour Mademoiselle, ce sera ?", "Un kilo de banales, s’il vous plait, merci ». Ce serait plus simple si les banales s’habillaient en jaune, on pourrait les repérer plus facilement, naviguer entre celles qu’on surnommerait « les vagues ». Vagues dans l’âme, vagues dans la vie. Ici, tout flotte. On s’y perd dans cette mer, on s’y fond, fond, fond. Tout glissait, comme sur une peau de… Oh, le vilain chagrin.
C’est ici qu’il pousse, le chagrin, c’est ici qu’elle pousse, la tristesse, dans ce pays à ronces, le terreau de Ronsard, les gros fiers à bras, narcisses de leur langues, les deux pieds dans la vase de leur héritage, leur hérisson, cette France. Pas franche. Des échanges en fils barbelés. Chaque conversation ici, dans ce Paris si peu pascalien, est un camp concentré, un lieu de mort, virages et pièges à chaque tournant ; une vie en apnée. On se croit Don Juan, même quand on est Jean Yanne, car tout ce qu’il faut ici, pour plaire, c’est maitriser la langue. Du rouler de pelles à citer La Fontaine, tous à genoux devant la grande donzelle : la langue française, Môsieur. Ortho-graphie, ortho-pensée, la manière bonne, la bonne manière de lire, de séduire, de dire, mêmes les non-dits. Tout a une règle. Rex, regis, le roi est mort, vive le roi. Leroy Merlin, oui !
Bricolos Céline, apprentis Proust, les français se mordent la queue devant l’autel du Phallus, LA littérature. Langue morte, langue vivante, groupies de fellation, la nation en dépit.
Ici on ne bande pas, sauf devant les miroirs.
Et on se moque, ric rac, de la vie en toc outre-Atlantique, des barbies à la barbe-à-papa, on se moque du rose yankee, des grosses lunettes que portent les gros, heureux d’être plein de cette chose, inimaginable en France : la liberté. Faut être con, quand même. Faut être américain.
Le français rêve de se faire enlever une cote pour pouvoir se la faire tout seul, sa pipipe à son pépère. Comme ça, il serait vraiment pénard, le français, entre ses Pléiades et son Cotes du Rhône (un épagneul dort devant le feu, sur la peau de bête, peut-être ?). Seul, mais pénard. Avec près de lui, juste à longueur de bras, cette chose précieuse, magnétique et castratrice, son héritage. Une main sur ses boules, l’autre sur Balzac et que ça danse ! Le terreau de la France, celui-là même qu’on jette sur leurs cercueils d’emprisonnés quand sonne le glas.
Ernest, Ernest, take me home !
Commentaires
oh, je n'ai pas le courage de tout lire....bonne continuation